Etat de stress post-traumatique : une vie en sur-vigilance
Un événement dramatique peut générer un état de stress post-traumatique (ESPT) : un ensemble de symptômes psychiques qui perdurent et viennent bouleverser le quotidien de la personne affectée et de son entourage. Trouble psychiatrique complexe, l’ESPT est pris en charge au moyen d’approches psychothérapeutiques, parfois associées à des médicaments, pour des résultats variables selon les individus.
Affection mise en lumière après les attentats du 15 novembre 2015, un état de stress post-traumatique (ESPT) peut se développer lorsqu’une personne a été exposée à un événement particulièrement traumatisant et se met à le « revivre » de façon récurrente. « Ce type de trouble peut survenir chez l’enfant comme chez l’adulte, qu’il ait été victime ou simplement témoin de l’événement, précise Pierre Gagnepain, chercheur Inserm dans l’unité Neuro-psychologie et imagerie de la mémoire humaine de Caen.
Il peut, par exemple, s’agir de soldats ayant participé à des combats militaires, de victimes d’une agression physique ou sexuelle, d’un accident grave ou d’une prise d’otage, mais également de professionnels étant intervenus sur des terrains de catastrophes, de parents après la perte d’un enfant ou encore de témoins d’un attentat. » Finalement, tous ont pour point commun d’avoir vécu ce moment comme un facteur de stress intense ou d’effroi, face auquel ils se sont sentis impuissants.
Symptomatologie multiple
Si la plupart des patients se sentent mieux dans les trois mois suivant l’événement, environ 20 % développent une forme chronique d’ESPT. D’après l’OMS, sa prévalence serait de 1 % à 3 % en Europe et concernerait deux fois plus la population féminine que masculine. Ses quatre grands syndromes (ensemble de symptômes) sont :
- une reviviscence du trauma. Des images s’imposent par surprise, parfois accompagnées des sensations physiques et/ou des émotions ressenties sur l’instant. Ce phénomène survient spontanément, à la suite d’un stimulus (son, lieu, odeur…) ou lorsque la vigilance est moindre (phase d’endormissement) ;
- un évitement des pensées, des discussions ou des personnes, susceptible de rappeler le traumatisme. Ce mécanisme inconscient vise à éviter la douleur psychique associée au souvenir, mais enferme toujours plus dans l’isolement ;
- l’hyperactivité neurovégétative, qui renvoie à un état d’hypervigilance permanent. La personne est toujours « à cran » et sujette à de l’irritabilité et/ou des insomnies ;
- des troubles de l’humeur et un émoussement de la réactivité et des affects pouvant aller jusqu’à la dépression.
Les ESPT sont également souvent associés à divers troubles physiologiques liés au stress, comme l’hypertension artérielle, les ulcères digestifs, l’eczéma… Autant de facteurs de souffrance et de mal-être qui accroissent le risque de dépendance à des substances psychoactives (tabac, alcool, drogue…), mais aussi de suicide. « La vie privée, sociale et professionnelle des patients souffrant d’ESPT est profondément altérée, mais il est important de souligner que toutes les personnes ayant vécu un événement traumatique ne développent pas un ESPT. Certaines sont plus “réceptives” que d’autres.
Tout dépend de son histoire et de ses ressources intérieures, mais aussi du type de trauma. Les événements les plus à risque sont ceux de nature sexuelle et/ou qui durent dans le temps », précise la Dr Hélène Romano, directrice de l’Institut Traumatisme psychique & Résilience, à Bordeaux.
Comment aider ?
À la suite d’un incident à fort risque traumatique, un secours immédiat peut être apporté par des psychiatres, des psychologues et d’autres professionnels formés à l’accompagnement des victimes. « Ce sont notamment eux qui interviennent dans les cellules de soutien psychologique d’urgence mises en place lors d’événements survenant dans l’espace public, à l’instar d’un attentat, d’une catastrophe naturelle ou d’un accident majeur », précise le Dr Ludovic Polli, psychiatre – psychothérapeute à Maxeville.
Leur action passe en premier lieu par l’écoute et le dialogue visant à faciliter « l’évacuation » du souvenir, mais aussi par une orientation post-traumatique, combinée éventuellement à une aide matérielle. « La situation est plus compliquée pour les personnes soumises individuellement à un événement traumatogène, car elles n’ont pas toujours les moyens d’entreprendre des démarches pour se faire aider », regrette l’expert.
Lorsque le stress perdure et qu’un ESPT apparaît, la prise en charge repose avant tout sur des approches psychothérapeutiques : thérapies cognitivo-comportementale, EMDR (désensibilisation et reprogrammation par les mouvements oculaires), hypnose… L’objectif est toujours le même : limiter l’évitement mental et comportemental qui empêche le souvenir traumatique d’être « bien digéré » (lire Biologie du trauma).
« Quelle que soit la technique adoptée, il convient de développer une relation de confiance qui permette de réécrire le scénario traumatique. Il faut écouter le vécu propre, entendre la souffrance pour aider à l’acceptation des séquelles et apprendre à vivre avec. C’est souvent le plus difficile. Les patients mettent du temps à réaliser et accepter qu’il y aura un “avant” et un “après”, que la vie ne sera plus jamais la même et qu’il faudra se reconstituer d’une autre façon », révèle Hélène Romano.
Biologie du trauma
Un souvenir normal, non traumatisant, suit une procédure cérébrale d’analyse et de mise à distance. Il est « rangé dans une case ». En revanche, un souvenir traumatique ne suit pas cette procédure. Si le déroulement exact de l’événement peut s’estomper, voire disparaître comme dans une amnésie, les émotions vécues peuvent ressurgir avec une puissance similaire à l’originelle. « Ces observations sont corroborées par l’imagerie cérébrale : celle-ci met en évidence une hyperactivité de l’amygdale, lieu principal de la mémoire émotionnelle, et une hypoactivité de l’hippocampe, impliqué dans la mémoire déclarative, explique Francis Eustache, neuropsychologue et président du Conseil scientifique de l’Observatoire B2V des Mémoires.
Sur le plan biologique, les mécanismes impliqués entraînent une libération exacerbée de médiateurs du stress, dont le cortisol et l’adrénaline, ainsi qu’une perturbation de nombreux autres neuromédiateurs (dopaminergique, glutamatergique…). » Conséquence : un risque accru de développer des troubles de l’humeur ou comportementaux caractéristiques de l’ESPT.
Comment s’aider ?
Le poids de l’ESPT nécessite en premier lieu un accompagnement psychologique, mais les victimes peuvent également s’appuyer sur le soutien de l’entourage et s’engager dans des approches personnelles comme la méditation, les médecines douces, des activités artistiques… tout ce qui convient à chacun pour se sentir mieux dans sa tête. « L’activité physique adaptée est également conseillée, sa pratique régulière contribuant à une amélioration de l’humeur et une réduction du stress favorisant la reconstruction de l’image de soi », complète Ludovic Polli.
Le recours à des traitements médicamenteux peut également être envisagé, pour aider les patients en souffrance. En France, deux antidépresseurs (inhibiteurs de la recapture de la sérotonine) ont une indication dans l’ESPT. Ils présentent toutefois une efficacité limitée, purement symptomatique, et une victime sur cinq environ ne parviendra pas à se débarrasser de son trouble ou rechutera en dépit d’une prise en charge adaptée.
Projection d’espoir en guise de conclusion : « Il y a beaucoup de pistes sur le plan thérapeutique, notamment dans le domaine de la mémoire. Grâce aux recherches en cours, une meilleure compréhension des mécanismes qui favorisent la résurgence des souvenirs douloureux permettra, à terme, de prévenir, soulager, voire guérir l’ESPT », anticipe Pierre Gagnepain.
En savoir +
À lire
- Le trauma, comment s’en sortir ?, de Coraline Hingray et Wisssam El-Hage, éd. De Boeck Sup, 2020.
- Le Stress post-traumatique pour les Nuls, de Mark Goulston et Cyril Cosar (adaptation), éd. First, 2019
À consulter
- Inserm.fr : l’Institut national de la santé et de la recherche médicale offre un dossier détaillé sur l’ESPT et revient en détail sur les travaux menés par l’organisme sur le sujet.
- Sante.fr : le site gouvernemental synthétise en une page les principales informations à connaître sur l’ESPT.
Olivier VACHEY
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