L’immunothérapie, quelles perspectives ?
Champ prometteur de la recherche médicale, l’immunothérapie laisse entrevoir des approches innovantes pour soigner de nombreuses maladies, des cancers jusqu’aux maladies auto-immunes. Sa mise en œuvre est toutefois complexe, et divers obstacles restent à surmonter pour améliorer son efficacité. Explications.
Optimiser le fonctionnement du système immunitaire pour mieux lutter contre les maladies. Le principe de l’immuno- thérapie est depuis longtemps mis en pratique dans sa forme la plus « simpliste » : la vaccination, qui consiste à administrer un virus atténué pour favoriser la production d’anticorps spécifiques. « Les récents progrès scientifiques et technologiques offrent désormais de nombreuses autres possibilités en matière de modulation immunologique. En fonction des maladies ciblées et de leurs mécanismes, l’objectif sera soit d’inhiber un système immunitaire trop actif via une immunothérapie dite “immunosuppressive”, soit de renforcer un système en berne via une immuno- thérapie dite “immunostimulante” », explique le Dr Nicolas Noël, coauteur de l’ouvrage Immuno- thérapies : la révolution au cœur de notre système immunitaire. « Dans un cas comme dans l’autre, les modulations peuvent se faire en agissant directement sur les composants du système immunitaire du patient, ou en lui administrant de nouveaux composants, des “effecteurs thérapeutiques”, menant à l’effet attendu », poursuit-il.
Cancers, cibles prioritaires…
Principal domaine médical d’ores et déjà bouleversé par l’immunothérapie : l’oncologie. Contrairement aux traitements usuels (chirurgie, chimiothérapie, radiothérapie…), l’immunothérapie ne s’attaque pas frontalement à la tumeur, mais cherche à améliorer l’efficacité du système immunitaire pour éliminer les cellules cancéreuses, qui ont pour particularité de savoir « déjouer » les mécanismes de défense traditionnels de l’organisme.
« L’immunothérapie présente notamment l’avantage d’agir partout dans le corps, même au niveau du cerveau, alors que les traitements anticancéreux généraux ont souvent du mal à l’atteindre. Elle est aussi capable de cibler plusieurs anomalies fonctionnelles du cancer en même temps, de façon à attaquer la tumeur sur plusieurs fronts. Enfin, elle peut également générer une mémoire immunitaire, pour maintenir le contrôle tumoral dans le temps, même à l’arrêt de l’administration de l’immunothérapie », liste Nicolas Noël.
… Pour des résultats à améliorer
Sur le papier, le concept est prometteur. La recherche médicale s’en est emparée depuis près de 20 ans et propose des traitements dans une variété croissante de cancers : peau, foie, colon, sein, sang… Mais en pratique, l’immunothérapie n’est pas encore une panacée.
« Les différentes stratégies d’immunothérapie ne sont efficaces que pour une minorité de patients, dits “répondeurs”. Les chiffres restent pour l’heure limités : 70 % de réponses positives dans le lymphome de Hodgkin, 40 % dans le mélanome, 20 % dans l’hépatocarcinome, et une moyenne globale autour de 30 % », précise la Dre Magali Terme, immunologue et maître de conférences à l’Université de Paris et membre de l’équipe 10 de l’unité U970 de l’INSERM. Autre petit bémol : les effets secondaires, de type fatigue, éruptions cutanées, diarrhées, inflammations… qui restent toutefois généralement peu sévères et moins préjudiciables à la qualité de vie des patients que ceux rencontrés dans la chimiothérapie.
Immunodéficiences, allergies
L’immunothérapie ne se limite pas à la seule oncologie. Elle est également utilisée pour renforcer les défenses immunitaires et pour lutter contre divers agents infectieux, notamment chez les personnes présentant une immunité affaiblie pour cause, notamment, de VIH, de radiothérapie, de chimiothérapie, ou de pathologie chronique à un stade avancé (diabète non équilibré, insuffisance cardiaque, respiratoire ou rénale sévère…).
Autre emploi récurrent : la désensibilisation allergique. « L’allergie concerne environ un Français sur quatre et correspond à une hypersensibilité, à un composant de l’environnement entraînant une réaction immunitaire exagérée. Une désensibilisation ciblée par immunothérapie permet d’éviter cette activation excessive. Il faut, pour ce faire, identifier l’allergène en cause et l’administrer à doses croissantes sur une longue durée, de façon à “réinitialiser et normaliser” la réponse immunitaire », détaille le Dr Noël.
Maladies auto-immunes
Les pathologies auto-immunes (sclérose en plaques, lupus érythémateux…) et auto-inflammatoires (fièvre méditerranéenne familiale, syndrome TRAPS…) renvoient pour leur part à une autoagression du système immunitaire contre l’organisme.
L’objectif de l’immunothérapie est alors de contrer cette suractivation. « De grands progrès ont été effectués dans la connaissance des événements biochimiques impliqués dans les troubles auto- immuns et auto-inflammatoires. Il est désormais possible de mettre au point des traitements capables de cibler avec précision les déterminants de ces maladies, afin de réduire leur intensité et leur évolution, en attendant peut-être un jour de les guérir », se projette Nicolas Noël.
Et demain ?
L’immunothérapie est une approche innovante, vouée à devenir un pilier de la médecine moderne. Il reste toutefois des questions sans réponse : « pourquoi une même maladie ne réagit-elle pas toujours de la même façon au traitement ? », « pourquoi certains patients rechutent- ils après quelques mois ? » « L’un des défis actuels est d’identifier des biomarqueurs associés aux réponses immunitaires, pour éviter d’exposer inutilement les patients, mais surtout pour comprendre les mécanismes de résistance, afin d’adapter la stratégie thérapeutique et d’assurer une prise en charge toujours plus efficace des patients, car toujours plus personnalisée en fonction des spécificités de leur maladie et des réponses de leur organisme », conclut Magali Terme.
Stratégies immunothérapeutiques en oncologie
De nombreuses approches sont explorées pour activer le plus efficacement possible les défenses de l’organisme contre les cancers. Les principales stratégies actuelles sont les suivantes.
– L’immunomodulation
Les traitements immunomodulateurs ont pour objectif de rétablir l’action du système immunitaire en levant les mécanismes d’inhibition et de détournement mis en place par les cellules tumorales.
– La thérapie cellulaire
Le principe consiste à réinjecter au patient certain de ses cellules immunitaires préalablement prélevées et transformées en laboratoire, de façon à leur donner la faculté d’agir contre les cellules cancéreuses. Ces cellules modifiées portent le nom de « cellules CAR-T ».
– Les vaccins thérapeutiques
L’objectif est d’injecter au patient des composants dérivés des cellules cancéreuses. Ces composés ont la particularité d’être immunogènes, c’est-à-dire capables de déclencher une réaction immunitaire efficace contre le cancer.
Des médicaments issus du vivant, à la production délicate
Les immunothérapies font partie de la classe des médicaments dits « biologiques » : elles sont issues de lignées cellulaires spécifiquement identifiées et cultivées pour produire le traitement recherché.
À la différence des molécules chimiques classiques, il n’existe pas de moyen de synthétiser simplement les principes actifs, qui demandent des années de recherche pour identifier les bonnes conditions de production. Une fois l’environnement idéal déterminé, les équipes de production doivent de surcroît être capables de le reproduire invariablement à l’identique, de minuscules modifications étant susceptibles d’affecter la qualité et l’efficacité du médicament.
En savoir +
À lire
• Immunothérapies : la révolution au cœur de notre système immunitaire, des Drs Nicolas Noël et Stéphane Champiat, éd. Guy Trédaniel, 2019.
• La révolution de l’immunothérapie : armer notre corps pour vaincre le cancer, des Prs Olivier Michielin et George Coukos, éd. Favre, 2022.
À consulter
Le site Inserm.fr propose un dossier sur les tenants et aboutissants de la recherche en immunothérapie des cancers.
Les entreprises du médicament proposent des fiches de synthèse sur l’immunothérapie, de ses principes fondamentaux à ses grands enjeux.
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